Fondateur de la préhistoire, héro-conquérant de la haute antiquité de l'homme, Jacques Boucher de Perthes est typiquement représenté comme le précurseur génial, l'auteur de rêveries romantiques sur la nature et la destinée de l'homme qui se retrouve néanmoins – grâce essentiellement à l'apport des sciences naturelles et de l'archéo-géologie – accéder à la vérité sur nos origines préhistoriques. La lecture différente de Boucher de Perthes que je propose ici le présente plutôt comme un penseur engagé dans son temps, préoccupé par des questions sociales et morales, attentif aux dimensions économiques et technologiques du monde en mutation qui est le sien. C'est notamment en rapport avec cette modernité que le douanier d'Abbeville va tisser des liens thématiques et métaphoriques entre le passé et le présent, entre l'ouvrier d'antan et celui d'aujourd'hui, entre les premiers instruments de travail fait de silex taillés et les grandes machines des fabriques actuelles. Suite à une telle relecture, ce sont les notions d'outillage, de maniements, d'emmanchements, d'ateliers, de matières premières et encore d'industrie – notions depuis longtemps ancrés dans le discours disciplinaire au point d'y être transparentes – qui bénéficient d'un nouvel éclairage.